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Cette école d'Arts Martiaux Traditionnels a été fondée à Bordeaux en 1975 par Frédéric DUPERTOUT. Par la forme et par l'esprit, elle ne le cède en rien aux écoles traditionnelles d'arts martiaux que l'on rencontre au Japon. Le karaté, le ju jitsu que l'on y enseigne sont issus des plus vieilles techniques que le Maître SANO Teruo reçut de ses anciens maîtres, et qui furent rassemblées sous le nom de "YOSEIKAN SANO RYU " - et plus récemment - "SANO RYU KARATE JUTSU"

mercredi 17 décembre 2014

SYNCRETISME ET ARTS MARTIAUX

Le syncrétisme est un mélange souvent hétéroclite dont les promoteurs prétendent qu'ils ont réuni ce qu'il y avait de mieux dans différentes traditions. Si cette démarche suscite souvent l'enthousiasme dans les premiers temps, c'est rarement dans la durée.

Le syncrétisme est toujours une dégénérescence. Il apparaît lorsqu'on ne connaît pas la valeur exacte des enseignements traditionnels ainsi que des symboles.

On s'en empare pour fabriquer un ensemble généralement facile à comprendre, d'autant plus facile que sa portée est plus limitée. Au risque de me répéter, c'est toujours une dégénérescence.

Il ne s'agit pas d'une démarche consistant à essayer de comprendre ce qui se fait ailleurs, ni même de se moderniser (sans pour autant oublier les traditions). Là, il n'y aurait rien à dire. Il s'agit au contraire de cette tendance regrettable qu'ont certains à bricoler un amalgame dans lequel les enseignements anciens disparaissent, ne serait-ce que parce que les "maîtres" ne les connaissent pas.

Cette manie du syncrétisme se retrouve malheureusement un peu partout : les religions (y compris les yoga), les arts graphiques, la musique (hélas !), l'architecture et... les arts martiaux. 

Il faut beaucoup de choses pour faire un homme, encore plus pour faire un budoka, c'est-à-dire un homme accompli. Cette optimisation le rendra plus redoutable dans le combat, mais justement parce qu'il connaîtra beaucoup d'autres choses.

Pour citer un exemple concret : je connais bien des pratiquants qui, ignorant la manière de décoder un kata pensent qu'il ne sert à rien d'y perdre son temps et qu'il vaut mieux forcer sur la musculation et rajouter à leur mince bagage quelques techniques glanées ici ou là. Sans rien approfondir. Bien que cela puisse parfois produire des gens très dangereux, croyez-vous que l'on puisse remplacer par un bricolage disparate l'expérience séculaire de gens qui ont baigné dans la guerre et le combat depuis toujours ? Personne ne peut le croire sérieusement.

Voilà pourquoi, soucieux de réalisation de soi, d'efficacité et de victoire, nous nous efforçons d'approfondir ce savoir qui nous vient de si loin.

A bientôt !

mercredi 26 novembre 2014

LE DECOURAGEMENT

Le découragement se manifeste de manières fort diverses : parfois il est le résultat de longues périodes d'échecs, la constatation que le succès est constamment remis à plus tard, et parfois au contraire, il s'abat comme une masse après un épisode cataclysmique que l'on percevra comme irréparable.

Certains y sont plus résistants quie d'autres, certains se ressaisissent assez vite alors que d'autres seront définitivement brisés mais, en fin de compte, rares, très rares sont ceux qui en sont totalement à l'abri.

Il peut paraître étonnant de constater que, même à des époques assez reculées, évoluant dans des contextes et des systèmes de pensée forcément très différents des nôtres, l'être humain réagissait de la même manière. Si on lit (ou si on relit !) les auteurs et les historiens latins - César, Tacite, Suétone, Ammien Marcelin - ou grecs - Thucydide, etc., on retrouve souvent un fait qui m'avait frappé dans son horreur et sa tristesse : les soldats vaincus, qui s'étaient battus comme des loups dans des conditions effrayantes devenaient immédiatement amorphes et soumis dès lors qu'ils étaient pris et conduits en esclavage. D'après tous ces auteurs, la métamorphose était presque immédiate, la résignation totale.

L'Europe de l'ouest, où nous vivons, est en ce moment exempte de telles tragédies et pourtant le découragement est omniprésent, qu'il se manifeste par un renoncement général, un déni de tout ce qui dérange ou une fuite crispée dans des habitudes absurdes.

Toutes ces réflexions n'ont de raison d'être que si nous précisons notre position à ce sujet : tôt ou tard, nous sommes tentés de baisser les bras, ou même de capituler... A la suite de quoi ? Pour quelle raison ? Mais la question importante, la question finale est : allez-vous baisser pavillon une fois pour toutes ?...


Ou allez-vous réagir ? Et ça prendra combien de temps ?

C'est la question que je vous pose !

A bientôt !

lundi 29 septembre 2014

LA RENTREE... ET VOTRE PROGRESSION

C'est la rentrée ! Vers le milieu du mois de septembre, après le repos estival, les enfants rentrent à l'école, leurs parents suivent le mouvement, et toute la société fonctionne imperturbablement sur ce rythme. Cette habitude est tout à fait charmante, un peu désuète, comme un parfum d'autrefois...

Sauf que votre agresseur n'attendra pas la rentrée !

Et votre progression dans tout ça ? Elle ne se résume pas en un mot, car il faut beaucoup de choses pour faire un ceinture noire, et encore plus pour faire un karateka accompli. Apprendre à se battre, et surtout à gagner est bien sûr indispensable et déjà, quand vous en serez là, ce ne sera pas si mal. Mais que dire du reste ?...

Rudyard Kipling, vous connaissez ? Mais si, le Livre de la Jungle, Mowgli (je parle du livre, bien sûr, pas de ce navrant dessin animé que les américains en ont tiré), L'Homme qui voulait être Roi, etc. Eh bien, Kipling a écrit un poème remarquable, sobrement intitulé "If". En voici la traduction française - et l'interprétation - par André Maurois :

Si...
_______________________________________________



Rudyard Kipling
1865-1936

  Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
  Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,

  Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
  Sans un geste et sans un soupir ;


  Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
  Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
  Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,

  Pourtant lutter et te défendre ;
   
  Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
  Travesties par des gueux pour exciter des sots,
  Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles

  Sans mentir toi-même d'un mot ; 


Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

 
Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être que penseur ;
 

Si tu sais être dur, sans jamais être en rage,
Si tu sais être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral et pédant ;

 
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois les Dieux la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme mon fils !

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Rudyard Kipling

Et pour les puristes de la langue anglaise, l'original :

If
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Portrait de Kipling
par John Collier (1891)
If you can keep your head when all about you
Are losing theirs and blaming it on you,
If you can trust yourself when all men doubt you.
But make allowance for their doubting too;
If you can wait and not be tired by waiting.
Or being lied about, don't deal in lies,
Or being hated, don't give way to hating,
And yet don't look too good, nor talk too wise:

If you can dream -and not make dreams your master
If you can think -and not make thoughts your aim
If you can meet with Triumph and Disaster
And treat those two impostors just the same;
If you can bear to hear the truth you've spoken
Twisted by knaves to make a trap for fools.
Or watch the things you gave your life to broken,
And stoop and build'em up with worn-out tools:

If you can make one heap of all your winnings
And risk it on one turn of pitch-and-toss,
And lose, and start again at your beginnings
And never breathe a word about your loss;
If you can force your heart and nerve and sinew
To serve your turn long after they are gone,
And so hold on when there is nothing in you
Except the Will which says to them: "Hold on!"

If you can talk with crowds and keep your virtue,
Or walk with Kings -nor lose the common touch,
If neither foes nor loving friends can hurt you,
If all men count with you, but none too much;
If you can fill the unforgiving minute,
With sixty seconds' worth of distance run.
Yours is the Earth and everything that's in it,
And -which is more- you'll be a Man, my son!

dimanche 31 août 2014

LES ARTS MARTIAUX ONT POUR BUT LA VICTOIRE !




Je ne résiste pas au plaisir de vous transmettre un conte très connu au Japon. Je le considère comme un des plus instructifs concernant notre pratique. Mais je vous laisse le soin d'en tirer toute la leçon. Et il y aurait beaucoup à dire.

Le Samouraï et le chat zen


Un samouraï, pourtant expert en arts martiaux, n'arrivait pas à se débarrasser d'un gros rat qui avait élu domicile dans sa demeure et y faisait moult dégâts. Le rongeur était très vif et très malin. Il esquivait les coups de sabre et déjouait tous les pièges. Le maître des lieux finit donc par se rendre sur le marché pour acheter un chat. Un marchand lui fit l'article et il revint avec un jeune mâle plein de vie. Après une semaine de miaulements, de bonds et de cavalcades effrénées, le fringant matou était toujours bredouille.
Le samouraï mécontent retourna donc rendre le chat au marchand qui lui vanta aussitôt les mérites de sa dernière acquisition : un tigré dans la force de l'âge. A l'entendre, il n'y avait pas meilleur chasseur de rats !

Effectivement, le nouveau venu se montra plus expérimenté et plus subtil. Il restait de longues heures à l'affût derrière un meuble. Il se déplaçait en rasant les murs, rampait dans l'ombre sans éveiller l'attention. Mais au bout d'une semaine, le rat courait toujours. Furieux, le porteur de sabre rapporta le chat au marchand et lui réclama son argent.
Le samouraï rendait régulièrement visite à un moine zen d'un temple voisin. Il lui parla de son problème.
- Eh bien, lui dit le bonze, empruntez donc quelque temps notre vieux chat. Ici, grâce à lui, nous n'avons aucun rongeur !
Et il l'emmena dans le dojo où sur un zafu, un coussin de méditation, dormait un matou grassouillet quelque peu décati, le crâne à moitié dégarni en manière de tonsure. Le guerrier rapporta chez lui le minet et le déposa endormi sur un tatami sans que celui-ci ne paraisse s'être rendu compte qu'il avait changé de domicile.
L’attitude du chat monastique était des plus consternantes : il passait son temps à dormir sur le tatami, toujours à la même place, près du feu, ne se levant que pour manger sa pitance et faire ses besoins. A croire qu'il avait pris les mauvaises habitudes de certains moines qui, après s'être rempli la panse, faisaient zazen des heures durant en piquant du nez !
La semaine n'était pas finie que déjà le samouraï rapportait au temple cette bouche inutile à nourrir.
- Ne soyez pas si impatient ! s'exclama le bonze. Gardez-le encore quelque temps, faites-moi confiance. Je suis sûr qu'il finira par vous donner entière satisfaction.
Sceptique, le gentilhomme rentra chez lui avec le vieux matou. Les jours se succédèrent sans que son attitude ne change et, comme le dit le proverbe : quand le chat dort, les souris dansent. En l’occurrence, le rat en prenait de plus en plus à son aise. Il s'enhardissait même à venir tâter des plats qui allaient mijoter sur le feu, effrayant la servante. Le vieux matou, toujours immobile, ne montrant aucune réaction, le rongeur ne se soucia bientôt pas plus de lui que s'il était empaillé ! Et un jour, trottinant à portée de patte, il fut saisi par la brusque détente du chat zen. En un éclair, il était égorgé.
Le samouraï, qui avait assisté de loin à la scène, n'en crut pas ses yeux. Il se remémora l'un des principes de la stratégie chinoise : endormir la vigilance de l'adversaire. Il rapporta le vieux matou et fit un don au temple. Puis il médita la leçon et, dit-on, fit de notables progrès dans la pratique du sabre.

In "Contes des sages samouraïs" de Pascal Fauliot aux éditions du Seuil
Ouvrage dédié à son maître, Jacques Normand
 
Crédit : Philippe Flohic



dimanche 27 juillet 2014

HUMILITE ET MODESTIE DANS UNE ECOLE D'ARTS MARTIAUX

Certains pensent qu'il est souhaitable de se sous-estimer, de se dévaloriser, en un mot de rester humble. Et tant qu'on y est, on pourra aussi dénigrer son pays, sa culture, l'héritage de ses ancêtres, etc.

Cette attitude me met mal à l'aise. Il est rarement avantageux de se laisser humilier par quelqu'un, mais si on doit, en plus, s'y complaire, on peut se poser quelques questions...

L'humilité se justifie dans certains domaines, essentiellement vis à vis d'une divinité, ou même d'un mythe fondateur. Par contre, rien ne s'oppose à cultiver une certaine modestie. C'est complètement différent, et il serait dommage de confondre les deux mots.

Autant l'humilité est dégradante, autant la modestie, qui consiste à avoir une idée exacte et sans prétention de nos capacités, n'empêche pas une juste fierté. Cette attitude respectera absolument ceux qui n'ont pas les mêmes facilités naturelles et qui, dans une école d'arts martiaux, pourraient souffrir de comportements prétentieux.

Il est plus facile de mettre en avant ses faiblesses que ses points forts, car ainsi, on aura moins de responsabilités : "ne me demandez rien, je suis beaucoup trop faible !"... On voit quantité de façons de se tenir en retrait : ne pas prendre position, ne pas participer à la conversation, ne pas oser se présenter à un examen de passage de grade, privant ainsi le groupe d'un leader supplémentaire. Même si on voit les choses uniquement sous l'angle personnel, on sait qu'il vaut toujours mieux faire partie d'un ensemble fort et qui nous protège.

La question n'est pas tant de savoir si l'on est important (on l'est !), mais de savoir que le groupe dont on fait partie est important.

Alors, souvenons-nous que les gens modestes sont très agréables à fréquenter, mais que par contre, l'humilité a quelque chose de malsain, qui met mal à l'aise. Il n'y a rien de plus contraire à la voie des arts martiaux que de mépriser ses talents, si modestes soient-ils en apparence.

En visionnant une vidéo d'une rencontre où notre école avait fait une impeccable démonstration, j'ai été frappé par l'attitude de nos participants : la tête haute, le maintien poli et réservé, la tenue irréprochable.


Tout commence là...

A très bientôt.

mercredi 11 juin 2014

AVEZ-VOUS LU "HORACE" ?

Pierre Corneille (1606-1684)
Avez-vous lu "Horace" ? C'est une tragédie écrite par Pierre Corneille, jouée pour la première fois en mars 1640 et que l'on étudiait en 4ème, il n'y a pas si longtemps.

La pièce évoque un combat fameux qui s'est déroulé près de Rome sous le règne d'un de ses premiers rois, Tullus Hostilius (673 - 641 av. J.C.).

A l'époque, un même peuple, nouveau venu en Italie, avait fondé les villes de Rome et d'Albe. Malgré la présence de membres de mêmes familles dans l'une et l'autre cité, les tensions prenaient un tour dramatique car il s'agissait de savoir laquelle des deux dominerait le pays. Or, à force de s'entretuer, les deux armées s'affaiblissaient dangereusement. Il fut donc décidé de choisir de part et d'autre les trois meilleurs combattants, et de les faire se battre pour savoir quelle ville aurait la position dominante. A Rome : les trois frères Horatius, à Albe les trois frères Curiatius. Et tant pis pour les liens familiaux entre les Romains et les Albains.

Le combat
Dès le premier choc, deux frères Horaces furent tués et les trois Curiaces blessés plus ou moins grièvement. Au grand désespoir de sa famille et de ses proches, le seul survivant Horace prit la fuite devant les trois Curiaces, mais ceux-ci ne pouvaient pas courir tous les trois à la même vitesse. Le moins blessé prit de l'avance sur ses frères, fit face à Horace encore intact qui le tua facilement, puis ce fut le tour du second, et enfin du troisième.

Le Serment des Horaces
(Jacques Louis David - 1784)

Cet épisode légendaire et qui remonte aux origines de notre culture gréco-latine nous montre, une fois de plus, ce qui attend les courageux imbéciles qui croient encore réussir en se passant de l'aide des autres.

Cette histoire a traversé les siècles, et même les millénaires, et s'applique donc au combat de guerre comme à celui, virtuel, du temps de paix. Il concerne les individus comme les groupe humains.

Il serait dommage de l'oublier.

A bientôt !

dimanche 18 mai 2014

MALHEUR A L'HOMME SEUL *

* Vae Soli (Ecclesiaste, IV.10)

La perpétuation de notre espèce est basée sur la coopération. Il suffit de voir la puissance et l'efficacité des trusts et des lobbies et notre vulnérabilité en tant que personne isolée pour avoir une idée de ceux qui survivront.

Eh bien, malgré tout, il y a encore de joyeux naïfs qui rêvent de réussir seuls, sans rien devoir à personne. Le plus ahurissant est qu'ils sont nombreux ainsi, tout en redoutant la puissance des groupes organisés. Très nombreux...

Il y a deux sentiments souvent liés à ce fantasme du self-made-man : se sentir trop supérieur pour perdre son temps et son énergie à collaborer avec des minables, ou bien au contraire se juger trop médiocre pour espérer présenter un quelconque intérêt dans une action commune.

Il y a aussi, bien sûr, les gros malins qui ont pris l'habitude de se servir de ce que d'autres réalisent par leurs efforts, mais sans mettre la main à la pâte, on s'en doute ! On appelle ces gens des parasites et nous en connaissons tous. Il faut remarquer qu'il existe dans le monde animal des espèces parasites, certes, mais elles vivent en général au détriment d'espèces autres que la leur. Je n'irai pas jusqu'à dire que chez nous les parasites se considèrent comme étant d'une autre espèce, mais le moins qu'on puisse dire est qu'il ne faut pas trop se laisser approcher par eux.

Il est essentiel de repérer les parasites et de les éloigner. Mais il faut être tout aussi attentif à ne pas en être un soi-même car, outre que cela dénote une attitude infecte, il y a de fortes chances de se faire repérer et rejeter. Aucune entreprise ne peut survivre à la présence des parasites.

Pour en revenir à ceux qui se sur-estiment ou se sous-estiment, ni l'une ni l'autre de ces positions, au demeurant nécessairement fausses, ne justifient la non-coopération à une oeuvre commune : dans un organisme constitué, la défection d'un seul pénalise l'ensemble. La défection d'un seul...

Et si le véhicule marche mal, tous ses occupants arriveront fatigués et en retard.

dimanche 4 mai 2014

EXTREMISME

Les pratiquants d'arts martiaux japonais, quand ils ont la curiosité de lire les écrits des anciens maîtres, sont souvent surpris devant l'insistance des classiques sur la nécessité de l'extrémisme.

Comme il s'agit là d'un mot piégé (encore un, décidément...), il va provoquer des réactions automatiques de rejet, et on aura bien du mal à en débattre sereinement, en comparant les arguments. La plupart de ceux avec qui vous en parlerez ne démordront pas de leurs clichés : "Je suis contre tous les extrêmes". Il est vrai que quand on a des certitudes, il n'est nul besoin d'arguments !

On notera quand même une exception pour le "sport extrême" qui, lui, est l'objet de toutes les louanges. Allez comprendre !

Eh bien, à ceux-là qui préfèrent la modération, je m'amuserai à poser quelques questions. Par exemple :

- Comment vas-tu ?
- Mmm, moyen...
- Et ton boulot ?
- Moyen aussi...
- Bon, tant qu'on a la santé !
- Justement, ça va pas très fort.
- Je vois... Tes amours ?...
- Tout ça c'est pareil, très très moyen... 

On voit qu'à force d'être "moyen" l'ensemble est assez désastreux. Si vous poussez un peu les choses, vous constaterez que tous ces somnambules aux réponses stéréotypées sont pourtant assez incohérents. Ils préfèrent :
  • une épouse extrêmement fidèle plutôt que moyennement
  • voyager dans un avion extrêmement bien entretenu avec un pilote extrêmement bien formé
  • avoir affaire à des commerçants extrêmement honnêtes
  • se faire opérer par un chirurgien extrêmement compétent 
 
    La liste n'a pas de fin.
    Il ne faut pas oublier non plus la délicatesse et le sens de la nuance : on peut être extrêmement délicat ET extrêmement nuancé...
     


    Il existe en Inde une des plus anciennes religions du monde : le JAÏNISME. La non-violence des jaïns est telle qu'ils portent un léger tissu sur le nez et la bouche de peur de tuer un moucheron en l'avalant par mégarde, ils balaient le sol devant eux pour éviter de marcher sur un être vivant, etc. (1) 

    Symbole du jaïnisme
    (au centre l'inscription
    "non violence")
    Eh bien, si nous n'avions chez nous que les extrémistes de pareils extrémistes, nous pourrions dormir tranquilles non ?

    Vous qui habitez Bordeaux, peut-être aimeriez-vous connaître le sort des modérés pendant les périodes où la violence se déchaîne ? Alors allez voir place des Quinconces et regardez bien autour de vous, voire vers le ciel, pourquoi pas... Et méditez.


    A bientôt !
    ___________________________

    (1) C'est aux jaïns que le bouddhisme, bien plus tard, a emprunté cette idée de non-violence, ainsi que Gandhi, bien que de manière plus schématique..

     

    mercredi 16 avril 2014

    TRICHER

    Comme tous les mots piégés, celui-ci provoque des réactions automatiques, des prises de position aussi tranchées que vertueuses, généralement accompagnées d'un froncement de sourcil indiquant clairement que le sujet ne saurait souffrir de débat. Que ce joli sourcil soit délicatement épilé, surplombant des cils soigneusement maquillés (maquillés, vous avez dit maquillés ?...) ne semble troubler personne, pas plus que le costume seyant qui vous rendra plus séduisant...

    Dans le combat, Sun Tzu, repris plus tard par bien d'autres, enseigne que le combat est l'art de la tromperie. De même, tout entraînement vise à augmenter vos chances, c'est-à-dire à tricher, bien sûr !

    Pour un croyant, la prière est en fait une demande de passe-droit. Trivialement, on parlerait de piston...

    Mais enfin, a-t-on le droit de tricher à un examen ? 


    J'ai connu une très jolie fille qui, soucieuse de ne rien laisser au hasard, avait vécu une histoire passionnelle (vraiment) avec son professeur, d'où un exceptionnel résultat : 18/20. Ce qui lui a assuré une situation convenable ! Certaines, plus "conventionnelles", épousent un bon parti. Je trouve la première manoeuvre plus intelligente, beaucoup plus.


    Il m'est parfois arrivé de présider des jurys d'examen officiel. J'ai toujours été frappé par l'attitude des membres du jury, décidant souverainement qui pourrait ou ne pourrait pas travailler - c'est-à-dire vivre ! Des dieux en quelque sorte... "On ne peut pas laisser n'importe qui faire n'importe quoi !". Il est vrai que le niveau des candidats était parfois un peu faible. Généralement je commençais par les rassurer. Il n'y aurait pas d'échec. A chacun d'eux par la suite de faire en sorte de devenir un bon professeur s'il voulait garder ses élèves.

    En fait, qu'appelle-t-on "tricher" ? C'est transgresser des règles imposées par les autres. Or, les budo nous enseignent de ne jamais combattre, si l'on peut, en respectant les règles des autres. Pourquoi ne serait-ce pas le contraire ?!

    Si l'on veut respecter quelques règles d'éthique, et donc surtout se respecter soi-même, il nous reste quelques détails, mais qui changent tout :

    On ne transige pas avec : 
    • la parole donnée
    • la loyauté envers ceux qui nous font confiance
    • les engagements avec soi-même (par exemple : être dur pendant le combat et secourable après la victoire). 
    Et de manière générale, c'est lorsqu'on triche avec soi-même que le juge qui est en nous risque de se montrer méprisant.

    Enfin, on se souviendra que le mot lui-même ne signifiera plus du tout la même chose si on triche avec une institution, une personne, ou soi-même.
     
    Les Tricheurs - Le Caravage (1594-1595)


    A très bientôt !

    mardi 25 mars 2014

    EN REPONSE AU COMMENTAIRE FAIT A MON DERNIER BILLET ("L'ATTITUDE JUSTE")

    A PROPOS DE LA BIENVEILLANCE ET DE LA DROITURE DANS LEUR RAPPORT AVEC L'ATTITUDE JUSTE...

    A première vue, on peut se demander quel est le rapport entre l'attitude juste et ces deux types de comportement.

    Ils évoquent en effet des formes d'éducation un peu surannées, un peu démodées et sur lesquelles insistaient les Bons Pères des écoles chrétiennes. Et pourtant...

    L'attitude juste ne doit pas grand chose à la réflexion, elle est en grande partie irrationnelle car elle est le fruit de l'intuition. Cette intuition, élément assez déroutant de l'esprit humain, est une perception directe, et à ce titre, elle est plus sûre et plus fiable que le raisonnement. Encore faut-il que le mental ne la perturbe pas.

    La malveillance, la haine et la colère ont leur raison d'être dans certains cas très précis, mais ce sont, qu'on le veuille ou non, de puissants perturbateurs du mental. On se souviendra que le deuxième yoga sutra de Patanjali nous dit : Le yoga est l'inhibition des modifications du mental. Plus simplement : la colère est mauvaise conseillère !

    La droiture, quant à elle, est le contraire du mensonge sous toutes ses formes et ce n'est pas par hasard que les plus anciennes traditions, y compris le yoga, déconseillent le mensonge qui désorganise tout, y compris le menteur.

    Voilà pourquoi, loin d'un angélisme naïf, on peut affirmer que bienveillance et droiture permettent aux perceptions les plus fines de se manifester avec sûreté.

    Merci pour votre commentaire...
    A la semaine prochaine.

    dimanche 23 mars 2014

    L'ATTITUDE JUSTE

    L'attitude juste est celle qui permettra d'obtenir les effets voulus sans provoquer d'effets pervers. Certaines personnes semblent la porter avec eux tandis que d'autres peuvent, à l'nverse, montrer un véritable génie pour mutltiplier les situations pénibles, ou même pires !

    Partant du principe que tout agit sur tout et peut mener à un conflit, toute situation doit être évaluée en permanence, ainsi que tout ce qui peut en découler, avantageusement ou pas.

    Pour simplifier, il faudra CHOISIR :
    • se montrer : affable, coniliant, ferme, dur, courageux ou "cinglé".
    • le conflit devra éclater : maintenant, plus tard, jamais.
    • les conséquences seront : avantageuses, hasardeuses, catastrophiques.
    Ceci donne une idée très sommaire de la vie courante car tout y évolue de façon brutale mais aussi subtile. Cette attitude juste de chaque instant ne s'improvise pas. Il faut constamment s'exercer à évaluer les gens avec leurs qualités et leurs points faibles, deviner qui ils sont derrière leur masque, avec quels éléments extérieurs il faudra composer, et surtout de quoi seront faits demain, et après demain.

    Si l'on s'exerce bien dans la perception de tous ces détails, lorsque tout est encore calme, nous pourrons en un instant, sans réfléchir, avoir le coup d'oeil, l'intuition, l'intelligence de la situation. En revanche, tout cela manquera de fiabilité si vous oubliez, ou s'il vous arrive d'oublier ces maîtres-mots : la bienveillance et la droiture.

    A très bientôt.

    jeudi 6 mars 2014

    PROGRESSER - ACCEPTER DE CHANGER

    ME VOILA DE RETOUR !

    Et pour commencer, voici quelques mises au point dont j'espère que vous pourrez avantageusement prendre de la graine.

    Tôt ou tard, dans une vie de karateka, il arrive que l'on plafonne, que l'on ait l'impression d'être à son maximum. Et bien sûr ce maximum est loin d'être satisfaisant...

    Combien de fois n'ai-je entendu cette voix découragée d'un élève qui n'arrive pas à comprendre pourquoi les autres sont meilleurs que lui (ou qu'elle) : "Je ne comprends pas. Pourtant je m'entraîne tous les jours ou presque. J'ai très envie d'y arriver, c'est même une obsession, et pourtant je n'ai plus fait aucun progrès depuis plus d'un an. Je ne dois vraiment pas être doué, le karate n'est sûrement pas fait pour moi... Avec tous ces efforts, je mériterais bien d'être parmi les meilleurs, non ?" etc.

    Bien sûr, chaque cas est particulier, et c'est le rôle du maître de discerner les causes et de trouver le remède. Il est cependant à noter que quelque chose chez ce pratiquant refuse de voir les causes, et surtout ne peut se résoudre à accepter le remède ! Pour parler crûment, celui-ci veut bien qu'on reconnaisse son mérite, mais refuse absolument de devenir autre chose que ce qu'il est au départ. Devenir autre chose, par définition, c'est faire table rase, désavouer ce qu'on était et reconnaître que ce qu'on pensait avec tant d'assurance était peut-être faux (forcément faux, même, ou alors on serait détenteur de la vérité... et là le doute s'insinue).

    Les progrès physiques ne se conçoivent que soutenus par un psychisme adéquat. Toute la gestuelle est fonction du mental et de la conception que l'on a de soi-même, de son regard sur le monde et sur ceux qui nous entourent. C'est un principe qui n'admet pas d'exception. Accepter de changer est difficile car cela revient à dire que l'on peut abandonner sans regret notre façon de penser actuelle : elle ne vaut pas un clou !

    L'obstacle est là !

    Accepter de quitter vos vieux bricolages c'est votre travail. Le travail de votre maître, c'est de vous indiquer votre réalité (pas forcément la sienne !) et votre perspective d'évolution intérieure, de vous montrer la fausse route et les indications qui vous manquent.

    Et si vous continuez à vous entraîner sérieusement, le succès est inévitable.

    Apprenti samurai ;-)

    A très bientôt pour un prochain billet.

    mercredi 22 janvier 2014

    VOULOIR REUSSIR A TOUT PRIX : UNE ECOLE D'ECHEC

    Lors d'une session de tir à l'arc dirigée par maître Satoshi Sagino, un élève lui demande :
    - Que faut-il faire, et que je ne fais pas, pour que la flèche atteigne la cible ?
    Le maître éclate de rire et dit :
    - Pourquoi posez-vous la question à l'envers ?
    L'élève ne comprend pas et le maître dit :
    - C'est une fausse question. La vraie question est : qu'est-ce qui empêche la flèche de percer le centre de la cible ?
    Et dans un nouvel éclat de rire, il ajoute :
    - Parce que percer le centre de la cible est la vocation de chaque flèche !
    L'élève repose alors la question à l'endroit :
    - Qu'est-ce qui empêche que la flèche atteigne le centre de la cible ?
    Et maître Sagino répond :
    - Deux choses : le désir de réussir à tout prix, ou au contraire la crainte d'échouer. Les empêchements viennent des préoccupations du moi. Comment s'en libérer ? En se consacrant pleinement au tir, sans pensées, sans but, sans désir, sans fierté, sans peur. Alors le tir se fait dans la liberté de l'être. Mon maître, Umeji Roshi, disait : "Si vous faites une chose à fond, vous allez vous transformer de telle façon que tout ce que vous regardez, vous le verrez autrement".

    in "Sagesses et malices du zen"
    Marc de Smedt et Jochen Gerner
    Albin Michel Nov. 2006

    CE QUI VAUT POUR LE TIR A L'ARC LE VAUT POUR TOUS LES ARTS MARTIAUX...

    A bientôt !

    jeudi 9 janvier 2014

    BUDŌ SHOSHIN SHŪ ("Lectures élémentaires sur le BUSHIDŌ")

    Une nouvelle année commence et c'est l'occasion de vous renouveler tous mes voeux de bonheur et de réussite.

    Les pratiquants d'arts martiaux se réfèrent volontier au "bushidō", et même parfois aux "samuraïs". J'ai donc pensé qu'il vous serait agréable, à propos du festin du Nouvel An, de connaître les bonnes résolutions que prenaient ces guerriers, ou en tout cas les conseils qu'ils recevaient des anciens.

    C'est peut-être une excellente manière de profiter de la vie !...
    Un samuraï doit garder, présente en lui, plus que tout autre, depuis le festin du Nouvel An jusqu'au moment où l'année finit, la pensée de la mort.
    Ce n'est qu'en pensant sans cesse à la mort que l'on peut préserver en soi les deux vertus fondamentales : la loyauté envers son suzerain et la piété filiale. Du même coup, on se protège des vices et des accidents, on garde un corps sain, et l'on peut vivre longtemps. Le caractère s'ennoblit. Tels sont les profits que nous apporte la pensée de la mort.
    Expliquons-nous davantage.
    La vie de l'homme, comme la rosée du crépuscule, est vide et éphémère. Et quoi de plus privé d'espérance que la vie d'un samuraï ? Beaucoup parmi eux, pourtant, s'imaginant qu'ils vivront longtemps et serviront leur suzerain et leurs parents, négligent, du même coup, leurs devoirs envers celui-là et ceux-ci.
    Quand on sait, au contraire, que la vie peut finir demain, que le jour que l'on vit est peut-être le dernier où l'on pourra recevoir les ordres de son suzerain, ou même voir ses parents, alors on se tourne vers eux avec un coeur plein d'un dévouement sincère.
    C'est ainsi que l'on peut accomplir ce qu'exigent de nous la loyauté envers son suzerain et la piété filiale.
    Mais, que l'on vienne à oublier cette pensée de la mort, on deviendra imprudent ; on perdra le sens de la modestie toujours nécessaire ; on en viendra à se quereller pour des opinions peu fondées et contradictoires. On ripostera, au lieu de laisser dire les autres. On ira se montrer, sans retenue, dans les endroits populeux, où la plèbe vient s'amuser. On s'y acoquinera avec des vauriens, on leur cherchera querelle, et parfois même on y laissera sa vie. Ainsi entache-t-on l'honneur de son suzerain, en même temps que l'on crée des soucis à ses parents.
    Et toutes ces choses ne sont que le résultat de cette première imprudence : avoir négligé de garder présente en soi la pensée de la mort.
    Si l'on songe toujours à la mort, au contraire, avec une conscience vive de ce qu'exige l'honneur d'un samouraï, on pèsera chaque parole avant de la prononcer, on attachera à toutes une égale importance, on se demandera avant de parler ou de répondre, si ce que l'on a à dire est vrai.
    Ainsi ne s'engagera-t-on pas dans des querelles insensées ; ainsi n'ira-t-on pas dans les mauvais lieux, quand bien même on y serait invité ; et de la sorte on ne courra pas le risque d'accidents imprévus. C'est ainsi qu'on peut se préserver de tous les maux et accidents.
    Il en va des hautes classes de la société comme des basses ; c'est pour avoir oublié la pensée de la mort que l'on se livre à l'intempérance : trop manger, trop boire, trop aimer.... On en vient à connaître la maladie et l'on meurt jeune, ou tout au moins, si l'on ne s'éteint complètement, on demeure un malade diminué et incurable.
    Tandis que, songeant toujours à la mort, un homme jeune, bien qu'encore plein de santé et de vigueur, prendra soin de lui-même, mangera avec modération, évitera la volupté, sera réfléchi et modeste : aussi gardera-t-il toujours un corps plein de vigueur. Ainsi pourra-t-il vivre aussi longtemps que Dieu le permettra.
    Par contre si l'on est épris de la croyance de vivre machinalement longtemps, on sera la victime de toutes sortes de désirs. On deviendra avare, voulant s'emparer de la possession d'un autre, ou ne voulant pas donner à un autre ce qui lui appartient ; le caractère deviendra semblable à celui d'un plébéien.
    Si l'on garde toujours la pensée de la mort, l'avarice disparaît naturellement ; les caractères viciés par l'envie et l'avarice ne se manifesteront plus, la personnalité deviendra noble.
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    Daidōji YŪZAN (1639 - 1730)
    Budō Shoshin-shū - Introduction (extrait)
    trad. Tarō Banzai
    Tokyo : Takeuchi Shoten, 1965
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    A bientôt.