Pour ceux qui ne connaîtraient pas Sri Aurobindo, on pourra rappeler qui était ce yogi, précédant Gandhi d'une quinzaine d'années dans son rôle clef pour l'indépendance de l'Inde, qui a laissé une oeuvre littéraire d'une très haute spiritualité et a fondé Auroville, près de Pondichéry.
Le contexte de l'époque était particulièrement violent, jusques et y compris au départ des Anglais et à la partition de l'Inde débouchant sur la naissance du Pakistan. Il m'a semblé intéressant de mettre en lumière l'opinion de celui qu'on considère comme un des phares de la spiritualité de l'Inde contemporaine au sujet de la guerre et de la violence.
"La guerre et la destruction sont un principe universel qui gouverne non seulement notre vie purement matérielle ici-bas, mais même notre existence mentale et morale. Il est évident, pratiquement, que dans sa vie intellectuelle, sociale, politique et morale, l'homme ne peut pas faire un pas en avant sans une bataille ; une bataille entre ce qui existe et qui vit, et ce qui cherche à exister et à vivre, et entre tout ce qui se trouve derrière l'un et l'autre. Il est impossible, du moins en l'état actuel de l'humanité et des choses, d'avancer, de grandir, de s'accomplir et, en même temps, d'observer réellement et absolument le principe d'innocence que l'on nous propose comme la règle de conduite la meilleure et la plus haute. Nous emploierons seulement la force d'âme et ne détruirons jamais par la guerre, ni même par la violence physique pour nous défendre ? Très bien, mais en attendant que la force d'âme soit efficace, les forces démoniaques dans les hommes et dans les nations écrasent, démolissent, massacrent, brûlent et violent comme nous le voyons aujourd'hui ; elles pourront alors le faire tout à leur aise et sans obstruction ; et vous aurez peut-être causé la destruction d'autant de vies par votre abstention que d'autres par leur violence... Il ne suffit pas d'avoir les mains propres et des âmes sans taches pour que la loi de la bataille et de la destruction disparaisse du monde. Il faut d'abord que ce qui est à leur base disparaisse de l'humanité. L'immobilité et l'inertie qui refusent de se servir des moyens de résistance au mal ou qui sont incapables de s'en servir n'abrogent pas la loi, encore moins. En vérité l'inertie fait beaucoup plus de mal que le principe dynamique de la lutte qui, au moins, crée plus qu'il ne détruit. Par conséquent, si l'on regarde le problème de l'action individuelle, s'abstenir de la lutte sous sa forme physique la plus visible et de la destruction qui l'accompagne inévitablement vous donne peut-être une satisfaction morale mais laisse inaboli le DESTRUCTEUR DES CREATURES."
Sri Aurobindo, "Essais sur la Gîtâ"
A bientôt...