Il n'est pas toujours facile de juger une personne, un acte, un courant de pensée ou quoi que ce soit dont nous percevons l'existence. Et puis, qui suis-je pour m'arroger le droit de juger ? Suis-je donc moi-même au-dessus de toute critique ? Ai-je les compétences voulues ? Ainsi, sous prétexte de... allez savoir quoi, on s'abstient, on n'émet pas d'opinion, et surtout pas de critique. On conclut avec un haussement d'épaules et de sourcils, les yeux baissés avec modestie, que chacun fait comme il l'entend et que cela ne nous regarde pas...
Beaucoup de gens ont ainsi perdu une grande partie de leur esprit critique, de leur esprit d'indépendance et le remplacent par un conformisme aussi stérile que désespérant. Pourtant ce sens critique, cette capacité de jugement raisonné est nécessaire à la survie et au bien-être.
Les pratiquants d'arts martiaux dans leur domaine spécifique sont tout particulièrement concernés. En effet :
Si je m'interdis d'avoir une opinion sur autrui, je n'aurai pas de points de référence pour décider qui je dois imiter ou pas, dans la pratique comme dans le mental. Or je peux tout à fait avoir un regard pertinent sur un plus gradé ou un plus fort que moi. A ce propos, voici un joli proverbe landais (*) : "Je suis bien incapable de pondre un oeuf, mais je sais reconnaître un oeuf pourri".
En fait, nous sommes conçus pour porter un jugement immédiat sur tout ce que nous percevons : une odeur de fumée : incendie ou barbecue ? Une détonation : attentat ou feu d'artifice ? Une offre alléchante : arnaque ou affaire du siècle ? On imagine sans mal que parfois il vaudra mieux réagir vite.
Et le karaté dans tout ça ?
Eh bien, justement, voilà un domaine où le jugement prend toute son importance. Tout d'abord, lorsqu'on s'apprête à débuter, il vaut mieux savoir si le style enseigné correspond à ce que l'on recherche. Sans oublier de se poser précisément la question de savoir à quoi on espère l'utiliser (défense, santé, délassement sportif ou autre).
Et puis il y a le professeur... Une fois lancé, vous devrez lui faire entièrement confiance et il sera donc utile d'avoir pu le juger (ou le jauger) dès les premiers instants.
Et pour finir, il faudra savoir juger sur les apparences (sinon sur quoi d'autre ?) ceux qui peuvent se révéler dangereux.
Ce dernier point faisant appel à notre intuition, on se rappellera que si l'on s'interdit le jugement spontané, on affaiblira du même coup nos capacités d'intuition. Or aucun animal (**) ne peut survivre dans ces conditions.
(*) Très exactement de Camontès
(**) Un animal est un être animé. Ceci concerne bien sûr l'être humain.