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Cette école d'Arts Martiaux Traditionnels a été fondée à Bordeaux en 1975 par Frédéric DUPERTOUT. Par la forme et par l'esprit, elle ne le cède en rien aux écoles traditionnelles d'arts martiaux que l'on rencontre au Japon. Le karaté, le ju jitsu que l'on y enseigne sont issus des plus vieilles techniques que le Maître SANO Teruo reçut de ses anciens maîtres, et qui furent rassemblées sous le nom de "YOSEIKAN SANO RYU " - et plus récemment - "SANO RYU KARATE JUTSU" _________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ A PROPOS DU COPYRIGHT... Les éléments contenus dans le présent site (textes, photos, images, dessins, vidéos, sons), sauf bien sûr ceux relevant du domaine public, sont la propriété exclusive des Ecoles Bushido ou de leurs auteurs/créateurs. Ils sont issus des collections et archives privées de Maître Frédéric Dupertout, de Maître Mireille Auda, des éditions du Cercle du Jardin Public et de l'association des Ecoles Bushido. Toutes ces archives sont soumises au droit d'auteur. Elles ne peuvent en aucun cas être reproduites, modifiées, diffusées sans l'autorisation écrite et préalable des ayants droits

mercredi 21 juin 2023

MEME DANS LA DEFAITE, LA SOUVERAINETE

Il est très facile d'avoir l'air avantageux lorsque tout nous sourit – amours, argent, santé -, et plus encore suite à une victoire. Et si de surcroît cette victoire est méritée (ce qui ne veut pas dire grand chose), on aura tendance à tenir la tête haute et le regard fier. Ceci est valable quel que soit le contexte où l'événement s'est produit.

Très peu de gens sont conscients du fait que c'est au soir des grandes victoires que l'on prépare les grandes défaites (éventuellement méritées, ce qui, là non plus, ne veut pas dire grand chose).

Un désastre amène généralement une attitude, un comportement caractéristique par lequel on reconnaît tout de suite un vaincu. Il est à noter qu'un vaincu peut être occasionnel ou chronique...

Ce qui précède peut facilement être constaté un peu partout, mais la question qui devrait venir à l'esprit est : quel comportement sera le mien le jour du désastre, de la déroute ? Serai-je effondré ou, au contraire, saurai-je donner le change ?

Il est bien difficile de répondre à une telle question mais peut-être est-elle mal posée, car tout cela n'est pas seulement une question d'attitude extérieure forcée, ce » qui ne serait déjà pas si mal, mais bien plutôt l'expression d'une réalité intérieure qui transparaîtra tout naturellement.

J'ai en mémoire un tableau célèbre montrant la reddition de Vercingétorix sur son cheval blanc, jetant ses armes aux pieds de César. Dès cet instant, sa fin sera sordide, affreuse, mais ce que les générations futures retiendront, c'est l'attitude de celui qui, au moins à cet instant, ressemble à un vainqueur, à un souverain.

Lionel Royer (1852-1926) : Vercingétorix jette ses armes aux pieds de Jules César

 

Plus près de nous, Clément Marot (1) nous a laissé ce poème en huit vers (un huitain), jamais oublié depuis mon adolescence. Il s'agissait des derniers instants du sire de Semblençay, faussement accusé lors d'un procès truqué et conduit au gibet de Montfaucon par le lieutenant Maillart :

Lorsque Maillart, juge d'Enfer, menoit
À Monfaulcon Samblançay l'ame rendre,
À votre advis, lequel des deux tenoit
Meilleur maintien ? Pour le vous faire entendre,
Maillard sembloit homme que mort va prendre
Et Samblançay fut si ferme vieillart
Que l'on cuydoit, pour vray, qu'il menast pendre
À Montfaulcon le lieutenant Maillart (2)

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(1) Clément Marot : poète français (1496 – 1544)
(2) Lorsque Maillart, juge d'enfer, menait / A Montfaucon Semblançay l'âme rendre / A votre avis, lequel des deux tenait / Meilleur maintien ? Pour le vous faire entendre / Maillard semblait l'homme que mort va prendre / Et Semblançay fut si ferme vieillard /Que l'on croyait, pour vrai, qu'il menait pendre / A Montfaucon le lieutenant Maillart

jeudi 25 mai 2023

NE PAS CONFONDRE LE BUT ET LES MOYENS

L'unique but du karate est de gagner, ou tout au moins de ne pas perdre.

L'unique but... Mais on ne peut y arriver que par un très vaste ensemble de moyens (physiques, psychiques, émotionnels, culturels, intuitifs, politiques, sociaux, etc. Que penser d'un enseignement qui, volontairement, ou inconsciemment, laisse de côté tous ces aspects de la vie, qui se refuse à étudier tout le contexte inévitable qui paraîtrait hors sujet, hors de propos ?

Eh bien, nous aurons là une conception réductrice, sportive, rétrécie de ce qui, dès lors, ne pourra pas répondre à ce que l'on serait en droit d'attendre de cet héritage ancestral.

Il faut beaucoup de choses pour faire un homme. Et encore beaucoup d'autres choses pour faire un karateka. Gagner une compétition, surtout à haut niveau, est bien sûr très difficile et on peut saluer l'exploit. Mais dans la vie réelle, où les règles changent constamment, être un champion ne suffira pas, tout simplement car l'Adversaire (avec un grand A) se présentera sous d'innombrables formes, souvent les plus inattendues.

Cet esprit compétitif nous a tellement influencés qu'on en arrive à admettre que la vie est un combat. Dans certains cas, c'est tout à fait exact, et là, il faut absolument gagner, mais le combat devra être considéré dans sa globalité, que ce soit pour son aspect physique (agression de rue) ou pour toutes les innombrables variétés de désastres dont la vie est remplie.

Les principes du karate s'appliquent à toutes les situations, encore faut-il avoir compris et admis que si le but semble évident, le moyen est de cesser d'être un individu ordinaire pour devenir un karateka.

Et ça, c'est parfois un peu long !


dimanche 27 décembre 2020

JEUNESSE

Le texte qui suit est du poète américain Samuel Ullman (1840 -1924) et s'intitule "Youth".

Le général Douglas MacArthur (1880 - 1964) chérissait ce poète, et particulièrement ce poème* qu'il avait accroché sur le mur de son bureau à Tokyo (1945) quand il devint commandant suprême des forces alliées au Japon.

 

   
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(*) au point qu'il lui fut attribué, tant ce poème l'inspira sa vie durant.



mardi 6 octobre 2020

VERS UN AUTRE PARADIGME (*)

 (*) du grec "Παράδειγμα", paradigma : modèle, exemple.
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Un paradigme est un cadre de pensée, une vision de ce qui nous entoure, dans lequel nous avons généralement pris nos habitudes, c'est-à-dire dans lequel nous nous sommes fait piéger.

Les habitudes ne sont pas toujours mauvaises, certaines sont même indispensables tout au long de la vie. On les connaît. Par contre, un cadre de pensée doit évoluer avec les circonstances, les lieux, les climats, etc. tout change, tout est instable, tout bouge dans l'univers et un objet fixe et rigide dans un ensemble en mouvement sera inadapté et vite inutilisable.

Nous le voyons dans le karate, qui suit les règles de la nature et doit s'y conformer pour être efficace.

Mais nous entrons dans une période nouvelle, très différente de celle qui a précédé. Tout y est instable, difficile à prévoir, impossible à organiser, et le premier réflexe est de s'immobiliser dans l'attente de circonstances plus conformes à ce que nous connaissons. En bref, un retour "à la normale".

Ce retour n'est pas impossible, mais peu probable. Un pari risqué. Nous nous trouvons confrontés à deux problèmes (entre autres) : 

Le danger d'agression, en nette augmentation (120 attentats à l'arme blanche, en France, par jour) ;

◊ La perspective de fermeture périodique des salles de sport et d'arts martiaux.

Ces deux éléments sont d'autant plus difficiles à vivre que tout le pays est dans une période morose. On parle parfois de "traverser" une mauvaise période. Je crois que c'et une erreur : quand on traverse, on finit par sortir, alors que je serais surpris de voir un retour au statu quo ante.

Alors, que penser, que faire ? C'est finalement assez simple à comprendre :

1°/ S'entraîner, non plus pour faire un peu de sport, mais bien dans l'esprit de ceux qui ont imaginé le karate : survivre.

2°/ Prendre exemple sur les animaux dans la nature : quand il y a suffisamment à manger, ils se goinfrent sans la moindre retenue. Et quand il n'y en a pus, ils jeûnent.

Pour nous, ce sera pareil, pendant un temps impossible à prévoir et quand le dojo sera ouvert on pourra en profiter le plus possible en prévision des périodes de restriction. Cela nous éloigne peut-être de l'organisation habituelle (tel jour, tel jour et tel jour...), mais je ne crois pas que l'on puisse faire autrement.

Si l'on veut rester efficace !
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dimanche 29 mars 2020

QUAND TOUT VA (VRAIMENT) MAL..

J'ai toujours pensé - et l'expérience me le confirme largement - que pour un combattant la force de l'esprit était plus importante que la capacité de combat proprement dite. Déjà, pour gagner concrètement au cours d'une agression (subie ou provoquée), la force mentale sera la base de tout. Mais elle le sera plus encore pour résister à cet effondrement général qui se profile peu à peu quand les choses tournent mal et que la situation est presque désespérée.

Ceux qui savent de quoi ils parlent soutiennent qu'il y a peu de différence, dans le fond, entre les différents aspects que peut présenter une situation dangereuse.

Vous voulez apprendre à vous battre ? Entraînez-vous ! - Vous n'en avez plus envie ? Voilà la défaite car le moral s'affaiblit et ni votre force, ni votre technique ne reposent plus sur rien.

L'histoire et la tradition dans son ensemble nous rappellent, par des récits, des contes initiatiques, des textes parfois vieux de plusieurs millénaires, que le combat, loin de se limiter à son aspect matériel, fait appel au moral autant qu'au physique. Nous tous, qui pratiquons le karaté, sommes parfois confrontés à des événements peu réjouissants dont les conséquences peuvent être graves ou même catastrophiques. Dans ces circonstances, ceux qui sauront garder la tête froide, l'esprit alerte, l'esprit budo, sauront alors ce qu'il faut faire.

Mais en auront-ils la force ?

Il existe, dans les textes sacrés hindous, une épopée sanscrite de 18 livres (106000 vers) c'est la "Mahabharata", "la Grande Guerre des Bharata", dont la portée religieuse est comparable à celle de la Bible. La partie centrale s'appelle "Bhagavad Gita" : "Le Chant du
Bienheureux" et débute sur les hésitations du prince Arjuna, sur le point de lancer un carnage épouvantable qui sera la bataille de Kurukshetra. Le conducteur de son char, le dieu Krishna, lui rappelle que là est son devoir, et son exhortation l'amène à évoquer les différents aspects du Yoga, par lequel il grandira dans cette guerre fratricide.

Au risque de vous lasser, en voici les différents aspects :
I      Le Yoga selon le Sankhya

II     Le Yoga de l'action

III    Le Yoga de la sagesse
IV    Le Yoga du renoncement à l'action

V     Le Yoga de la maîtrise de soi

VI    Le Yoga de la connaissance

VII   Le Yoga de l'indestructible suprême éternel

VIII  Le Yoga de la science royale et du mystère suprême

IX    Le Yoga de la souveraineté
X     Le Yoga de la vision de la forme universelle
XI    Le Yoga de la dévotion
XII   Le Yoga de la distinction entre le chant et le connaiseur du chant
XIII  Le Yoga de la séparation des trois qualités
XIV  Le Yoga de l'approche de l'esprit suprême
XV   Le Yoga de la distinction entre ce qui est divin et ce qui est démoniaque
XVI  Le Yoga de la triple division de la foi
XVII Le Yoga de la libération par le renoncement
Il en ressort que, même dans les pires circonstances, l'action est un devoir, mais ne sera "juste" que venant de celui qui cherche à s'accomplir,

- dans les arts martiaux japonais on parle de la Voie 道 Dō -

... qui cherche à s'harmoniser avec une conscience plus vaste.

La tradition ne consiste pas à imiter servilement le passé mais à en faire revivre l'esprit.
Voilà comment les anciens nous indiquent le chemin vers la force et la victoire.
 

    mardi 17 septembre 2019

    RESPECTEZ-VOUS !

    Ces deux mots sont suffisamment parlants en eux-mêmes pour qu'il n'y ait pas grand besoin d'y ajouter de commentaire. Mais tout de même...

    Il y a beaucoup de façons de se respecter. Toutes sont exigeantes, voire tyranniques. C'est ainsi, on ne peut pas se respecter à moitié, se respecter modérément. Mais personne n'y est absolument obligé, ce sera comme il plaira à chacun.

    Cela commence par votre corps qui doit être scrupuleusement entretenu et ne pas être intoxiqué. Mais on peut en dire autant de votre intelligence, de vos facultés de raisonnement (négligées, intoxiquées ?...).

    On continuera par les innombrables choses insaisissables que les Anciens nous ont laissées. En bref, il faut beaucoup de choses pour faire un homme (ou une femme, avec quelques nuances). 
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    Par dessus tout, respecte-toi.
    Pythagore
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    Il est assez facile de s'y tenir pendant quelque temps, mais au bout de quelques années, la tentation est grande de faire des concessions. Après, on ne peut plus arrêter. Alors, on se raconte des histoires, on se trouve des raisons, on met ça sur le compte de la maturité et la vie continue. On renonce à ce qui nous grandit en se disant que l'on est déjà grand et que tout va bien. Alors on risquera fort de prendre des libertés avec la parole donnée, la fidélité et l'élégance sous toutes ses formes.

    Mais vous allez bientôt être ceinture noire, à moins que vous ne le soyez déjà, alors, ce respect de soi, vous ne pouvez plus le relativiser. Vous ne pouvez plus faire machine arrière. Car maintenant, vous savez.

    Et c'est une chance !

    samedi 15 décembre 2018

    LE CASQUE DU SOLDAT MORT


     
    Une voie est rarement rectiligne. Celle des arts martiaux ne fait pas exception, elle peut même être particulièrement tortueuse.

    Ce que l'on y trouve au début, tout le monde peut, ou croit pouvoir le comprendre, mais elle est "éternelle à travers le temps" (*), elle n'a pas de fin.

    C'est donc un cheminement de toute une vie qui nous mènera, non plus à une "simple" compréhension intellectuelle, mais à une transformation, une réalisation, sans laquelle on peut parler d'une vie gaspillée.

    En voici un petit exemple...

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    Musashi



    Un soir d'été, je devais avoir douze ou treize ans, je rentrais à la maison après une de mes longues promenades dans la montagne lozérienne.

    A la main, le casque d'un soldat allemand ramassé dans les bois, et sur le visage le sourire aussi triomphal que si j'avais tué moi-même son propriétaire. Evidemment, lui et ses camarades étaient restés là depuis plus de dix ans, dans l'indifférence générale. La Résistance, guidant la R.A.F. (Royal Air Force) avait été à l'origine d'un vaste massacre et il nous arrivait fréquemment , dans ces forêts isolées, de trouver des restes d'équipement oubliés.

    Mon triomphe fut très vite tempéré...

    Ma mère, l'air pensif, considéra le casque de l'ennemi :
    "Tu vois, il était à peine plus âgé que toi, et sa mère l'a attendu, elle a pleuré, puisqu'il n'est jamais revenu. Et j'espère ne pas avoir à te pleurer moi aussi, et qu'aucun gamin ne trouvera ton casque".

    ~~oIIIo~~

    Quelques années plus tard, à Marseille, j'avais fait le mur du camp de transit de Sainte Marthe pour aller la voir avant le départ. Le lendemain, nous embarquions sur le "Président de Cazalet", direction l'Algérie. Et en la voyant si triste, j'ai repensé au casque de l'Allemand.

    ~~oIIIo~~

    Beaucoup plus tard, au Japon, parmi d'autres techniques avancées, on m'a appris que l'efficacité en combat serait augmentée si je percevais l'adversaire comme un autre moi-même. Un peu comme les deux mains sont reliées l'une à l'autre. J'étais désormais plus vieux sans doute que cet Allemand, mais je n'ai jamais pu m'empêcher de faire le rapprochement comme s'il était aussi moi-même.

    Il ne s'agit surtout pas d'angélisme, puisqu'il faut bien évidemment gagner, et pas seulement de respect de l'adversaire dont on parle parfois sans savoir. C'est autre chose.

    Mais au fond de vous, vous savez peut-être déjà.