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Cette école d'Arts Martiaux Traditionnels a été fondée à Bordeaux en 1975 par Frédéric DUPERTOUT. Par la forme et par l'esprit, elle ne le cède en rien aux écoles traditionnelles d'arts martiaux que l'on rencontre au Japon. Le karaté, le ju jitsu que l'on y enseigne sont issus des plus vieilles techniques que le Maître SANO Teruo reçut de ses anciens maîtres, et qui furent rassemblées sous le nom de "YOSEIKAN SANO RYU " - et plus récemment - "SANO RYU KARATE JUTSU" _________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________ A PROPOS DU COPYRIGHT... Les éléments contenus dans le présent site (textes, photos, images, dessins, vidéos, sons), sauf bien sûr ceux relevant du domaine public, sont la propriété exclusive des Ecoles Bushido ou de leurs auteurs/créateurs. Ils sont issus des collections et archives privées de Maître Frédéric Dupertout, de Maître Mireille Auda, des éditions du Cercle du Jardin Public et de l'association des Ecoles Bushido. Toutes ces archives sont soumises au droit d'auteur. Elles ne peuvent en aucun cas être reproduites, modifiées, diffusées sans l'autorisation écrite et préalable des ayants droits

jeudi 17 mai 2018

DE LA NECESSITE DE LA CULTURE (3)

L'Inde, après le passage de Mahatma Gandhi, a laissé à l'occident l'image d'une société et d'un peuple non-violents. C'est en partie vrai, au moins pour les adeptes de la religion jaïn, une des plus anciennes du pays, et dans laquelle, plus tard, le boudhisme a puisé les côtés pacifistes de ses enseignements.

Il n'en reste pas moins que la seconde caste du pays, après celle des brahmanes, est celle des kshatrya, des guerriers, et qu'un des livres saints de l'hindouisme, le Māhābharata, (18 livres), est un immense poème guerrier. Le livre central en est la Baghavad Gita (Le Chant du Bienheureux). Dans ses dix huit chapitres, ce livre situe son action lors de la bataille de Kurukshetra. Le roi Arjuna, sur le point de lancer le combat, hésite devant l'horreur du carnage à venir, d'autant plus qu'il reconnaît des parents et des amis dans les rangs adverses.

Le conducteur de son char, Krishna, le dieu bleu, séducteur des bergères, l'encourage à tenir son rôle de guerrier, et il s'ensuit un dialogue d'une sidérante profondeur psychologique et un exposé du yoga. Vous avez bien lu : le dieu Krishna enseigne le yoga à partir du mental de la guerre.


Krishna et Arjuna sur le champ de bataille de Kurukshetra
(illustration du XVIIIe et XIXe siècles) - source : Wikipedia

En fait, il est ici question de trois branches fondamentales: dévotion (bhakti yoga), connaissance (jñāna yoga), action (karma yoga). Et ce sont les trois caractéristiques indispensables au guerrier.

Une des premières constatations est que le dévôt (bhakti), pour être réalisé et accomplir la plénitude de la vie, devra approfondir la connaissance (jñāna) et les actes, y compris violents (karma). En fait, chacun des trois aspects du yoga sera inséparable des deux autres.

On estime que la Baghavad Gita a été écrite vers 500 ans av. J.C. mais qu'elle est la transcription d'un enseignement oral beaucoup plus arachaïque (environ 5000 ans av. J.C.). Il est à noter que ces gigantesques poèmes étaient appris par coeur. De même, d'ailleurs, que chez nous, les connaissances nécessaires pour construire une cathédrale.

Ceci pour nous rappeler ce qu'est la mémoire...


A bientôt !

vendredi 4 mai 2018

DE LA NECESSITE DE LA CULTURE (2)

Les samouraïs japonais, nous l'avons vu, avaient une obligation éthique et sociale de se différencier des simples brutes, des simples tueurs auxquels il manquait tout de même une dimension, même s'ils étaient redoutables.

La chevalerie européenne, on le sait, fut très vite tenue à des obligations semblables. Un bel exemple nous est donné par un roman de chevalerie, roman initiatique passionnant écrit au XIIe siècle par Chrétien de Troyes : Perceval ou le Conte du Graal .

Illustration Walter Crane (1845-1915)
("King Arthur's Knights")
Perceval, fils d'un chevalier mort au combat et élevé par sa mère, pauvre et isolée de tout, veut lui-même être chevalier, alors qu'il ne possède pas les codes et n'a pas reçu l'initiation. Dès lors, il s'imagine qu'il suffit de porter le haubert et les armes, et de vaincre en combat. Evidemment, ça ne suffit pas.

Un champion, même bien vêtu et entouré de flatteuses relations, n'est pas pour autant un chevalier, bien entendu. A telle enseigne que, même reçu à la table du Roi, en présence des chevaliers de sa cour (de vrais chevaliers ceux-là), il laisse à deux reprises le Graal lui échapper, pour une erreur, minime à ses yeux, et pourtant fondamentale .

Je ne vous en dis pas plus, vous découvrirez tout cela en lisant l'oeuvre de Chrétien de Troyes (1).

Les connaissances, les codes, et surtout l'initiation indispensable pour s'intégrer à la chaîne, à la lignée, différencient le chevalier du tueur, il faut s'en souvenir. Le Graal, au départ un plat pour la table, désignera par la suite un calice ayant contenu le sang du Christ sur la croix, et par extension, ce sera la recherche, la quête d'un idéal presque inaccessible pour l'initié.

Cette quête sera spirituelle autant que culturelle

A bientôt !


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(1) L'édition qui me semble la plus accessible est : Perceval ou le Conte du Graal - Classiques de Poche - Le Livre de Poche.

mardi 24 avril 2018

DE LA NECESSITE DE LA CULTURE (1)

Jusqu'à une date récente, le mot "culture" désignait ce qui caractérisait les gens cultivés. Dans ce billet et dans ceux qui vont suivre, nous retiendrons donc ce sens-là pour éviter certaines imprécisions.

Les budōka ont par nature des affinités avec la culture japonaise. Je vous propose donc cet extrait du "BUDŌ SHOSHIN SHŪ" (武道初心集), "Lectures élémentaires sur le Bushidō" (traduction par Taro Banzaï), de Daidōji Yūzan (1639 - 1730).

D'autres suivront très prochainement.

De l'éducation.
Le samouraï est promis à des tâches d'une nature supérieure aux travaux des trois autres castes (les agriculteurs, les artisans et les commerçants). Aussi doit-il s'instruire et connaître les raisons de toutes choses.
A l'époque des guerres intérieures, toutefois, un samouraï, à quinze ou seize ans était déjà un adulte. Son entraînement au maniement des armes commençait vers douze ou treize ans. Aussi n'avait-il guère le temps de s'attabler à un bureau pour lire ou écrire. C'était donc une époque où beaucoup de samouraïs ne savaient ni lire ni écrire.
On ne saurait cependant les accuser de paresse, ni reprocher à leurs parents d'avoir négligé leur éducation : c'est que les exercices de maniement d'armes étaient pour eux la chose la plus urgente.
Maintenant que la paix est revenue, on ne doit pas pour autant, cela va de soi, négliger l'entraînement des armes ; mais on n'est pourtant pas obligé d'aller faire la guerre dès l'âge de quinze ou seize ans, comme les samouraïs de l'époque des guerres intérieures.
Un fils de samouraï doit donc, dès l'âge de sept ou huit ans, commencer à lire les quatre livres de Confucius (1), les cinq livres des paroles sacrées (1) et les sept livres de la guerre (2). Il convient aussi qu'il s'entraîne à des exercices d'écriture, et poursuive toutes ses études sans négligence.
Lorsqu'il atteint l'âge de quinze ou seize ans, il doit s'exercer au tir à l'arc, à l'équitation, ainsi qu'aux autres exercices armés.
Kennosuke - personnage
éponyme de manga
de Akira Toriyama
Voilà ce qu'un samouraï, à notre époque de paix, doit faire accomplir à ses enfants, pour assurer leur instruction.
L'analphabétisme des samouraïs de l'époque des guerres intérieures est sans doute excusable. Mais le manque de culture des samouraïs de notre époque pacifique ne saurait en aucune façon trouver une justification.

Certes, ce ne sont pas ici les enfants qui sont responsables ; la faute, il faut le dire, n'en revient qu'à la négligence de leurs parents, qui ne savent pas comment aujourd'hui les enfants doivent être aimés.
J'ai noté ces réflexions pour que les jeunes samouraïs sachent dans quelle disposition ils doivent demeurer.


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(1) Livres de confucianisme d'origine chinoise.
(2) Livres stratégiques d'origine chinoise.

 A très bientôt.
Frédéric

mercredi 14 février 2018

LA SIGNIFICATION PROFONDE DES EVENEMENTS

Voulez-vous comprendre le karate, c'est-à-dire comprendre comment on progresse ? Le principe est assez simple : il faut s'entraîner - en plus de tout le reste - à déceler la signification profonde des événements, et de tout ce que nous percevons.


Vous croyez que ça ne sert à rien ? Essayez, ne serait-ce que quelques semaines...

Pour percevoir le sens caché des événements, il ne suffit pas de réfléchir sur ce que l'on perçoit, mais il faut faire des recoupements, des comparaisons avec ce que nous savons déjà, par expérience personnelle ou par ce que d'autres nous ont appris. Ceux qui ne lisent pas manquent de documentation, bien sûr, et on pourra ainsi leur faire avaler n'importe quoi. Leur esprit critique, privé d'aliments, ne pourra pas agir, et dans la vie comme dans le combat ils seront facile à manoeuvrer, à tromper. L'esprit de discernement doit se travailler à chaque instant, mais évidemment, si c'est au-dessus de leur forces...

Ce n'est pourtant pas une question de force, vous le savez bien ! Ce n'est pas non plus une question de volonté, mais plutôt une question de volition (vous comprenez la différence ?). La volonté a un côté inébranlable, passant à travers les obstacles. Il paraît qu'avec de la volonté, on arrive même à arrêter de fumer ! La volition (action de vouloir, tout simplement), souvent liée à une idée de plaisir : "Je veux prendre une année sabbatique" (*) est plus souple, ses effets durent longtemps et mènent tranquillement au but souhaité. Et avec beaucoup moins d'effets pervers. Je suis sûr que vous comprenez la différence.

En bref, quand vous vous intéressez à une chose, intéressez-vous à ses causes et à sa signification.


Ah, j'oubliais : c''est l'affaire de toute une vie !


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(*) Initialement je pensais dire "je veux rien foutre de toutes mes vacances !"

mardi 21 novembre 2017

LE RYTHME

Tout ce que nous percevons comme une réalité n'existe tout simplement pas.

Nos organes des sens, puis notre cerveau transforment en images intelligibles ce qui est "seulement" un train d'ondes. Et une onde est un rythme, même si nous ne pouvons pas la percevoir comme telle. Nous pouvons percevoir un rythme dans un son, dans un mouvement, mais c'est à peu près tout. En fait, même les objets en apparence inertes, qui sont pourtant la manifestation des ondes qui les composent, nous paraissent désespérément inertes. C'est le cas des minéraux par exemple.

Nous pouvons pourtant aller plus loin. Il faudra pour cela libérer une acuité sensorielle, une sorte d'intuition qui nous permettra, ans une certaine mesure, de ressentir le rythme de tout ce qui nous entoure. Ce sera le mouvement d'un être vivant, bien sûr, mais aussi d'un objet immobile : un paysage, un arbre, un bâtiment, une pièce meublée ou non...

Un combattant s'efforcera d'en prendre la mesure.  

Les rythmes musicaux sont les plus faciles à ressentir. Nous savons que les tambours de guerre dirigeaient et dynamisaient les batailles, que l'ennemi vainqueur défilait dans la ville vaincue, musique en tête et tambour battant. Le message était clair. Le message est même si clair dans la mémoire collective que certains adversaires n'attendent même plus d'avoir notre capitulation pour nous infliger le tempo de leurs percussions jusqu'au milieu de nos villes, nos villages, nos maisons.

Ce n'est sans doute pas par hasard que la Russie Soviétique interdisait totalement l'écoute des rythmes américains jusqu'à au moins 1975.

De par son passé, ses traditions et son éducation, chaque combattant suit sa propre musique, celle de son peuple, de ses ancêtres.


Nous étudions le karate, issu de la pensée japonaise et peut-être éprouvez-vous une impression de "déjà-vu" en écoutant et en voyant leurs tambours.

Nous pouvons, bien sûr, avoir des amis dans chaque peuple, mais aussi des ennemis.

Écoutons leurs tambours et peut-être comprendrons-nous mieux leur conception du combat. Elle est souvent visible à travers leurs rythmes.

mercredi 18 octobre 2017

LES THEORIES SECURISANTES

Je suis toujours frappé par le sérieux imperturbable avec lequel les théories censées nous sécuriser, et en réalité ne reposant sur rien, me sont régulièrement assénées par des adeptes d'un conformisme à la mode... et qui n'ont jamais eu à affronter le danger, la peur et tout ce qui va avec, bien sûr.

Il est toujours facile de camoufler ses faiblesses, pourtant bien compréhensibles, derrière des affirmations sans fondement, mais qui, à force d'être entendues, finissent par paraître vraies. Beaucoup de gens ont des vies difficiles, parfois même décourageantes, à tel point qu'on peut comprendre cette tendance à se réfugier dans le rêve conformiste. Mais quand même...

Il n'est pas besoin d'être grand psychologue pour se rendre compte que, à peine sortis d'une adolescence passée à avaler les affirmations les plus débiles (et les plus débilitantes), la plupart des gens ont peur, très peur même, et sans oser se l'avouer. Peur résignée, peur agressive le plus souvent, aiguë ou diffuse, mais peur permanente qui fait de profonds ravages dans des psychismes déjà affaiblis (on sait qu'une personne sur cinq (cinq !) souffre de troubles psychiatriques). Alors on nous explique qu'il n'y a aucune raison de s'inquiéter, que c'est de la parano (oui... et alors ?) et qu'il ne faut pas être négatif. C'est quand même un peu léger. Heureusement, il existe des positions plus sérieuses.

Être sérieux, c'est tout d'abord évaluer la situation (je dis "situation" par manière de politesse) le plus objectivement possible, à l'aide du plus grand nombre d'informations possible et en laissant de côté, si possible, nos convictions morales et autres pré-jugés. Et là, seulement, on pourra décider de la conduite à tenir, mais en toute connaissance de cause et en fonction de notre tempérament et de nos capacités.

Curieusement, on observe que des doctrines très opposées peuvent donner la victoire. Par exemple : les premiers chrétiens ont, dans un premier temps, accepté et, paraît-il, recherché le martyr... et ils ont fini par triompher ! Les Américains ont lancé des bombes atomiques... et ils ont triomphé ! Aucun des deux, cependant, n'a fait les choses à moitié, n'en déplaise aux partisans du "juste milieu".

Le danger, en tout cas, est une expérience profonde et il serait dommage de refuser de voir à quel point... A nous de trouver la suite. Mais la permanence du danger est une expérience usante, dévastatrice parfois, et tout nous pousse à faire des concessions, à renoncer, à capituler...

On trouve toujours - ou presque - des consolations dans la capitulation, et on essaie de croire que ce sont des avantages. Mais ce n'est que rarement le cas. En réalité, la capitulation est une démarche assez facile qui conduit à une expérience épouvantable.

Réfléchissons-y bien.

vendredi 24 février 2017

LES PETITS ABANDONS ENTRAINENT LES GRANDS - Ch. De Gaulle

Ceux qui ont vécu à l'époque de Charles de Gaulle se souviennent sans doute qu'en matière d'abandon, il savait de quoi il parlait !...

Et voilà bien une question qui concerne les pratiquants d'arts martiaux car il est facile de constater que notre pratique se situe exactement à l'inverse de ce qu'on peut également appeler le laisser-aller.

Il existe toutes sortes de petits abandons : dans sa tenue vestimentaire, dans ses façons de parler, dans son estime de soi, etc. Il est toujours facile et agréable de renoncer à ce qui demande un peu de rigueur, en un mot de faire quelque entorse à ce qui nous maintiendrait sur la "voie". Bien sûr, on n'ira pas tout de suite jusqu'à la clochardisation, mais il ne faut pas oublier qu'il y a en nous de très puissantes forces qui nous y poussent.

Celui qui abandonne son entraînement, ou même qui le néglige risque de se retrouver avec un corps à l'abandon (adieu santé, adieu pouvoir de séduction, adieu capacité de se défendre).

(extrait de http://info-tabac.ca)

Celui qui abandonne l'étude et la lecture ira vers une diminution intellectuelle, qui lui aurait pourtant été bien utile.

Celui qui adoptera des positions avachies le paiera lui aussi tôt ou tard.


Un écrivain célèbre (*) disait : "A force de faire des concessions, on finit par en avoir une à perpétuité". Une "concession à perpétuité" désigne le statut d'occupation des sols accordé à un tombeau...

Capituler devant les exigences de son conjoint, de ses enfants, de son patron est aussi un abandon, qui sera bien sûr justifié comme il se doit.


Si encore les choses pouvaient en rester là !...

Je me souviens d'un professeur de karate qui soutenait que l'on pouvait pratiquer tout en buvant des boissons alcoolisées, à condition de "ne pas abuser". Certes, mais il pesait plus de cent kilos et ne ressemblait vraiment plus à rien.

La vérité, c'est qu'on n'en reste jamais là. Quand on commence à glisser sur la pente savonneuse, la vitesse ne peut qu'augmenter. On sera moins rigoureux sur l'exactitude pour nos rendez-vous, on prendra des libertés avec la parole donnée (oui, mais j'ai dit ça comme ça...).

Il n'est pas toujours facile de discerner où est la bonne décision, qui est toujours un mélange de rigueur et de souplesse, mais, pour résumer, je pense que la courte formule de de Gaulle pourrait bien constituer un excellent repère.
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(*) Jacques STERNBERG - 1923-2006